[Groover Time #14] Tracy Morrison, Phorin, Peter Lake, Bruno Bower, Col Gerrard, Jade Ashtangini, Tess, Peter et DWQ

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By Raphaël DUPREZ

[Single] Tracy Morrison – The Ballad of Ardith Clark

Raconter une histoire. Celle d’une femme dont l’influence sur Tracy Morrison demeure intacte au premier abord, puis s’étend au fil de sa propre composition, de son hommage indéfectible à celle qui a vécu ce que d’autres n’ont jamais affronté. « The Ballad of Ardith Clark » est une pièce folk sincère et d’une rare justesse, au fil de paroles imprégnant, dans l’esprit de l’auditeur, les photographies mentales de cette héroïne de l’ordinaire que Tracy Morrison invite à nos côtés. Son folk doux et inspiré s’incline devant la figure dont elle nous conte les jours, les anecdotes et, plus que tout, les drames supportés grâce à la musique, tandis que l’existence ne lui a offert aucun cadeau précieux ; si ce ne sont les rencontres et, avec cette ode qui lui est destinée, l’éternité.


[Single] Phorin – Elle avait soixante ans

De l’époque révolue durant laquelle l’écriture demeurait un instant spontané de l’existence, Phorin a extrait l’essence même de la narration, de la confidence et du témoignage. « Elle avait soixante ans », remerciement poignant à la figure maternelle sans qui l’artiste ne serait pas qui il est, est un poème chanté d’une beauté et d’une sincérité fulgurantes, ornant de quelques mélodies les mots sages et chaleureux pour celle qui l’a porté durant de nombreuses années. Quelques détails suffisent à nous asseoir auprès de Phorin et de sa mère, à nous incliner et nous rappeler que ces êtres de lumière que nous croisons souvent sans les voir réellement demeurent les racines fondatrices de nos personnalités. Une contemplation juste et bouleversante de la maternité et de la filiation, qui résonne en nous comme la prière que nous n’avions encore jamais osé dévoiler.


[Single] Peter Lake – Sweet Sour Minds

Dehors, tout dégénère. Le monde s’effondre et nous ne pouvons le regarder qu’en craignant les conséquences des conflits, des révoltes. Dans ce tumulte, Peter Lake a choisi d’exposer un soulagement, une lueur trouvant le salut grâce à la danse et à l’exaltation du moment présent, au milieu d’une foule dont les esprits amers peuvent enfin exploser et se sentir à leur place, ne serait-ce que quelques précieux instants. « Sweet Sour Minds » déploie ses ailes dance en n’oubliant jamais de conseiller l’auditeur, en lui montrant la voie vers le rassemblement des âmes perdues qui, tandis que leur quête d’un baume au cœur paraissait futile, vont finalement pouvoir exulter. Une respiration salvatrice et fédératrice.


[Single] Bruno Bower – Belle comme une vestale

« Belle comme une vestale » semble venir d’un autre monde, là où les images oniriques et les sources d’inspiration demeurent éternellement sacrées. Seul l’adepte respectueux de ces mondes parallèles peut en saisir les effluves, la signification des textes interdits, et les transmettre au commun des mortels. Bruno Bower nous entraîne pour un voyage vers des strates inconnues, au gré d’une musique céleste, extraterrestre. Le timbre de la voix dissimule, au creux de sa douceur, la prière d’un homme en adoration, conjuguant les croyances pour mieux donner un sens que chacune et chacun aura la liberté totale d’interpréter à sa manière. Un amour universel, insoupçonnable puis immédiatement vital. La dérive bienveillante de nos esprits enfin soulagés et illuminés.


[Single] Col Gerrard – Nowhere

Chronique d’une disparition programmée, « Nowhere » expose, au fil de ses sonorités pop rassurantes et affirmées, le cheminement de l’être destiné à la solitude et à l’isolement volontaires. Justifiant l’absence par la narration d’une histoire où le drame et l’égarement de soi se déroulent devant nous, Col Gerrard écrit une page interdite de ce qui nous pousse au retranchement, au repli. Lorsqu’il est trop tard pour faire machine arrière, que le salut dépend d’une décision dont les conséquences, ainsi exprimées, sont une bouleversante évidence. Quand la chanson paraît s’affoler, retenir sans parvenir à saisir, elle finit par retrouver la paix, la compréhension. Éléments essentiels d’un effacement cathartique, que Col Gerrard décrit avec une intelligence et un respect hors normes.

https://soundcloud.com/user-960556519/nowhere-ar-wav?utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing

[Single] Jade Ashtangini – Heart Touching Moments

Lorsqu’il est difficile d’exprimer les émotions qui nous saisissent à un instant précis, que la parole ne parvient pas à définir l’explosion sensorielle qui nous étreint, « Heart Touching Moments » reflète notre état de grâce, nos bouleversements intimes. Que ce soit face à l’être aimé, ou à un paysage dont les couleurs ont un effet fulgurant sur tous nos sens, le dialogue piano-violoncelle que nous dévoile Jade Ashtangini remplace aisément les états fuyants de notre conscience par la pureté de l’instrumentation. Parlant pour nos désirs et plaisirs, elle nous tend la main afin de recueillir les réponses aux interrogations qui bouleversent nos âmes. Et focalise notre attention sur la sagesse du moment présent, précieux et figé à jamais sur les parchemins de notre espace-temps.


[Single] Tess – new moon (acoustic)

Le temps d’une révolution lunaire, Tess contemple aussi bien le temps passé que l’avenir s’ouvrant devant elle, devant nous. Avec un profond respect et une sagesse faisant fi des secondes et des réminiscences, elle développe, au gré de ce « new moon » épuré et subtil, les joies qui l’attendent, les surprises, l’imprévu. Sa voix nous guide à ses côtés, nous laisse imaginer que rien n’est jamais perdu et que le destin ne se résume pas à l’écriture de pages noircies de nos histoires prédéfinies. En levant les yeux, tandis que ses mélodies nous guident et nous obsèdent, nous contemplons l’astre et ressentons son influence, son énergie infinie et bénéfique. Une promesse devenue réalité, pour peu que nous saisissions, grâce à la musicienne, cette magnifique chance qui nous est offerte.


[Single] Peter – Hohenheim et Trisha

Si nous vénérons autant Peter au fil de ces pages, c’est tout simplement parce que cet artiste accompli n’est jamais là où nous serions en droit de l’attendre. Après l’innocente tendresse de « Nana », le compositeur s’évade vers des sphères plus éthérées et délicates, laissant les ondes magnétiques et énergétiques de mélodies suaves imprégner chaque seconde de « Hohenheim et Trisha ». Tandis que nous suivons le fil de cette promenade psychique dont les accords bouleversent les codes et les conventions, nous regardons la lumière d’êtres jusqu’alors invisibles, autant que pour l’auteur lui-même. Se laissant aspirer, en pleine conscience, par le moment et la diction de ses sentiments, Peter écrit une page inédite de son œuvre, une voie qu’il poursuivra à sa manière ; ce qui renforce d’autant plus notre amour pour lui.


[Single] DWQ – Vamping

Il y a, dans « Vamping », un appel désespéré à la reconnaissance d’autrui. Ici, c’est le lien filial qui, dans cette possession de l’impossible, prend un sens radicalement éloigné de la figure testamentaire. Comment communiquer lorsque cela devient difficile, lorsque le dilemme de la confidence et du rejet s’affrontent constamment ? DWQ préfère laisser la musique témoigner pour lui, inscrire son empreinte indélébile pour celles et ceux qui se l’approprieront, quand le temps sera venu. Sa voix se brise contre les murs de l’insouciance, du silence. Ses mélodies, à l’inverse, se font tendres, ouvertes à l’accueil tant désiré. « Vamping » rassemble les égarés, reconnecte les âmes et les consciences. Une chanson pour l’éternité, à capturer et écouter dès que le rideau obscur du dialogue se déchire.