Le déroulement du temps est, par concept, quelque chose d’incroyablement effrayant. Nous dire que nous sommes soumis aux heures, au délais, à l’avancée inéluctable des mois et des années, le tout s’achevant dans une cruelle fatalité, peut rapidement devenir une hantise, une obsession. Inès Fluor se confronte à ces moments, aux conséquences d’une gestion chaotique des cadrans et de ce que nous avons fait, ou subi, en nous appropriant des cycles qui ne nous ont jamais vraiment appartenus. « La montre » est l’objet de ce court-métrage consumé et mystérieux. De la rencontre de créatures à l’affût de quelques précieuses intensités éphémères. Lorsque la déesse contemple ce qui lui reste, elle s’affole, se raidit. L’issue paraît fatale. Entrecoupée de flashbacks exprimant l’innocence et l’amour, le clip n’en devient que plus intense et impactant, surtout grâce à la narration parfaite et admirablement écrite de la chanteuse et compositrice.
Le fulgurant désespoir originel se détourne, dans sa seconde partie, de ses implacables conséquences. Brisant le fil narratif par ce retour aux souvenirs, aux abandons et aux déceptions, Inès Fluor rend l’impossible étonnamment fiable et réconfortant. « La montre » est un jeu d’enchevêtrements, un tissage de fils dont les couleurs tantôt sombres, tantôt immaculées ne cessent de s’entrecroiser, de s’emmêler. Attirant expressément la réminiscence et la perdition, l’artiste ancre son œuvre dans le réel psychique que chacune et chacun de nous a déjà ressenti. Dans l’attraction soudaine et salvatrice des ténèbres, du moins l’espace de quelques images fugaces parcourant notre mental. Puis, au creux d’une mise en scène unissant innocence et nostalgie, elle immortalise une à une les sensations et l’illusion. En équilibre instable mais parfaitement éprouvé, Inès Fluor nous avertit. Tout peut basculer si nous ne soignons pas ce que la vie nous offre. Mais, pour cela, il faut être d’abord deux, pour mieux engendrer la multitude.