[LP] Origins of Nebulae – Motion Blur
C’est bel et bien le mouvement, la vision, les sensations qui se troublent à l’écoute de Motion Blur. Il n’y a aucune convention, aucune limite. La musique d’Origins of Nebulae paraît sans frontières, prête à basculer en un clin d’œil du rock à la pop puis au post-rock sans que cela ne nous dérange outre mesure. L’art du groupe est songeur, porté par la voix sublime et imprégnée d’une dévotion à l’état brut. L’album se déploie ainsi tout autour de nous et expose, sur les toiles artificielles de nos psychés, une multitude de couleurs instrumentales et lyriques si nombreuses qu’elles nous enivrent et nous sidèrent. Motion Blur est une pièce maîtresse de la musique contemporaine française ; voire, l’un de ses plus précieux étendards.
[Clip] ArtDéco – Ne m’oubliez pas
Un moment de grâce. Dès ses premières secondes, « Ne m’oubliez pas » offre un spectacle à la fois brillant et mélancolique, avant de nous mener dans des confins que nous n’avions jamais visités. Les gestes, les regards, la chorégraphie visuelle sont une extension du texte déjà fort, de cette poésie de la solitude que l’être partage par lettres interposées. Beaucoup d’images nous viennent en tête : un soldat seul dans les tranchées, un fantôme, un homme en proie à une intense envie d’exil… Chacun pourra lire entre les lignes. Ce qui est une force supplémentaire développée par ArtDéco : se souvenir. Garder, dans notre cœur, ces disparus qui nous manquent et nous parlent enfin. Ces spectres de l’âme que nous chérissons mais dont nous avons peur de ne plus sentir la moindre présence, la moindre trace. « Ne m’oubliez pas » est voué à l’éternité ; et nous délivre de nos isolements et de nos langueurs.
[Single] Naked Automata – Équinoxe
Plus apaisé que ses prédécesseurs, « Équinoxe » n’en oublie pas pour autant de conserver en son âme les multiples envies musicales et harmoniques de Naked Automata. D’une voix émergeant de nulle part à des pizzicati parfaitement introduits, sans oublier bon nombre de velléités acoustiques, le titre fonctionne comme le déroulement d’une journée sans fin, passant lentement de la lumière à l’obscurité. Pourquoi sans fin ? Car, dès lors que nous nous immergeons dans ces minutes dont les figures sont légion, il est difficile de ne pas céder à la tentation de les savourer à nouveau, jusqu’à ne plus pouvoir nous en séparer. Naked Automata aime se réinventer et se lancer de nouveaux défis ; celui-ci est de taille, mais remporté haut la main.
[Single] Maron – Grand Écart
Tout d’abord, l’auditeur se sent immédiatement plongé dans une succession de scènes de la vie quotidienne, sportives ou portées par d’autres dynamiques. Le rythme danse tout autour de nous, nous saisit et nous aide à focaliser notre attention sur le texte de « Grand Écart ». L’ultime objectif de Maron est ici disséqué jusqu’à sa source la plus vive, dans un phrasé dont la mécanique est parfaite et implacable. Puis, la musique se déforme. Les voix se démultiplient. Dès lors, il n’y a qu’un seul futur à entrevoir, à enlacer. La beauté désirable et désirée de « Grand Écart » prend tout son sens et éclot, lentement mais sans jamais faillir. Difficile d’imaginer le travail qu’il a fallu accomplir pour atteindre un tel résultat. Dans tous les cas, Maron nous offre une issue de secours bénéfique, souriante et chaleureuse afin d’échapper à nos mornes quotidiens.
[LP] Adeion – Métropolitain Vol. 1
Pour une grande majorité d’usagers, le métro est, il faut bien l’admettre, une véritable corvée. Ce qui explique notre réticence lors de la découverte de Métropolitain Vol. 1 d’Adeion. Quelle erreur de notre part… Rarement, un compositeur aura su aussi bien évoquer l’effervescence et l’Histoire du Métropolitain. Ses lignes deviennent des arabesques et tissent le voile de la capitale, tantôt avec fougue, tantôt dans les beautés d’une cité nocturne et de la solitude du passager. Les tableaux du musicien offrent un nouveau regard, que lui-même connaît et maîtrise à la perfection. Le clavier parcourt les rames, les voies, les tunnels et stations. L’ensemble est aussi évocateur que magnifique. Alors, oui, nous pouvons dès à présent avouer nous être trompés au début de ce paragraphe ; finalement, Paris restera toujours la Ville Lumière, Adeion en effaçant les plus prégnantes imperfections.
[EP] Entrée Libre – Mémoire de formes
Rarement, un rock sobre et minimaliste aura été à la fois aussi sexy et sombre. Là où Entrée Libre s’éloigne de ses contemporains, c’est dans sa capacité à examiner l’être et la société dans laquelle il évolue à la loupe, tout en intériorisant ses impressions et fantasmes. Mémoire de formes reste sur la réserve mais, quand il implose, incendie les idéaux et les replis que nous exerçons trop radicalement sur nous-mêmes. Quelques minutes pop plus loin, Entrée Libre expose et caresse ses désirs et folies douces, alors que les sons et instruments épousent une voix dont la franchise et la diction nous hanteront encore longtemps. Un EP crépusculaire, au sens propre du terme ; car, la nuit, tout peut dorénavant arriver.