[Groover Time #13] RUNESCARRED, Reina Subramanian, Lou de la Falaise, Pratto, Hawaska, Roxercat, Rémi Fay, Fabrice Aboulker et Mahssi

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By Raphaël DUPREZ

[Clip] RUNESCARRED – Inviting Rivers

Le décor paraît totalement en décalage, bien loin de tous les effets spéciaux ou pyrotechniques vers lesquels bon nombre de groupes à tendance metal s’orientent habituellement. Pour RUNESCARRED, c’est bel et bien cet environnement plus qu’original qui fait toute la différence ; car, sans atours inutiles, il permet au spectateur de se focaliser uniquement sur la musique, d’en saisir toutes les essences. Et il faut bien admettre qu’elles sont nombreuses, du prog au thrash, en n’omettant à aucun moment d’offrir une vision bien personnelle de ce que le rugissement électrique et vocal demeure seul apte à transmettre. La multiplication des variations devient rapidement captivante, forçant chacune et chacun à se concentrer, à ne pas se croire purement et simplement focalisé sur une entité bruitiste parmi d’autres. « Inviting Rivers » est une merveille de tension et d’intelligence artistique, une dose savante et précise de ce que l’énergie brute est capable de délivrer dès lors qu’elle est idéalement domptée.


[Single] Reina Subramanian – dance on the moon

Le sentiment de liberté ultime que propulse délicatement « dance on the moon » est unique en son genre. Alliant la clarté de mélodies cristallines et de rythme dansants et attirants, Reina Subramanian laisse sa parole flotter au-dessus du monde, quelque part entre la place de l’individu aux tréfonds de l’univers et celle, plus difficile à atteindre, de l’être en quête constante de sagesse et de vacuité. Bande originale d’un songe promettant mille et une découvertes sur nous-mêmes, la chanson se déploie, s’envole et évite tous les écueils d’un lyrisme trop appuyé. La plus admirable façon de se libérer des chaînes de la dépendance et de voir de quoi nous sommes toutes et tous capables, en harmonie avec une musique aussi céleste qu’inspirante.


[Clip] Lou de la Falaise – Lou de la Falaise

Le clip éponyme de Lou de la Falaise nous immerge sans détour dans le quotidien du partage de ses entités créatrices, d’inspirations en expérimentations de l’existence. C’est là que réside toute la force de ce projet n’ayant jamais peur de la confidence, que ce soit musicalement ou visuellement. Au fil de mélodies rock aguicheuses et précises, l’ensemble fait preuve d’une cohérence et d’une sincérité hors du commun, nous amenant à comparer nos propres quotidiens au leur. En se focalisant sur les paroles, le spectateur-auditeur s’imprègne des racines de la composition, de ses enjeux comme de ses aspirations premières. Dès lors, « Lou de la Falaise » est un hymne à la confiance en soi, à la possibilité d’atteindre des objectifs que nous pensions impossibles d’effleurer. À fuir les préjugés pour finir en sueur, possédés par le dancefloor, et à jamais différents. L’exploration continue grâce à l’EP Sans espoir ni désespoir, sorti le 24 février dernier et dont nous vous reparlerons très vite.


[Single] Pratto – Into the Night (feat. Jordan Grace)

Pour celles et ceux qui pensent encore que la dance music n’est qu’une succession sans vie de pressage de boutons et de bras en l’air dans des clubs surchauffés, Pratto va enfin mettre les choses au clair, et de la plus belle des manières. En effet, « Into the Night » ne se contente jamais d’enflammer le dancefloor et de mécaniser les mouvements corporels. La grâce qui se dégage de ce titre riche en émotions fortes et en libération de la mélancolie transforme l’objet sonore en une œuvre à la fois réconfortante et cathartique, épiphénomème d’un langage artistique trop souvent rapidement résumé. De ses mélodies synthétiques subtiles et caressantes au chant invitant à la réalisation de fantasmes inassouvis, « Into the Night » varie entre explosion et introspection ; ces deux caractères essentiels à l’extase ultime, lorsque la nuit tombe et que toutes les libertés sont à portée de main.


[Single] Hawaska – Spells

Il est tellement agréable d’imaginer que « Spells » ne demeure pas qu’une simple pièce instrumentale. Au contraire, l’œuvre d’Hawaska prend immédiatement des allures de bande originale, de finale d’un travail intimiste centré sur l’humain seul face à un environnement naturel prêt à l’accueillir en son sein. Les mélodies et accords de piano se distinguent de la forme classique par leurs variations, leurs évolutions imprévisibles et spontanées. Discrètement, quelques cordes viennent appuyer le langage central, dessinant les landes et animaux d’un lieu loin de la ville, où les sentiments mélancoliques se transforment en une offrande apte à nous réconcilier avec nous-mêmes. « Spells » use de ses charmes magiques et transfigure l’écriture en la consolant, en l’aimant, en lui permettant de s’élever vers des strates créatrices audacieuses et novatrices.


[Single] Roxercat – Baby I Tried

Revenant aux racines des ballades rock ayant fait la gloire de nombreux groupes de la fin du XXe siècle, Roxercat trace les lignes de « Baby I Tried » au fil de mélodies et de dialogues guitare-voix allant droit à l’essentiel. Sans jamais dériver vers une quelconque mièvrerie rendant l’ensemble beaucoup trop aisé ou nostalgique, le groupe s’empare de son sujet, de la rupture et de la reprise de liberté, avec une sensibilité s’étendant le long de cinq minutes poétiques et émouvantes. Une sobriété se mettant immédiatement au service d’un langage doux-amer, d’une narration fluide et dénuée d’apparats inutiles. « Baby I Tried » se raconte et, de ce fait, devient également notre propre histoire, celle que nous avons traversée sur la route cabossée de nos existences et de nos séparations. Sans douleur mais laissant, au plus profond de nos êtres, des cicatrices indélébiles.


[Single] Rémi Fay – Funambulist No4

Le vide. Sous nos pieds, les nuages dissimulent la terre ferme. Notre vie ne tient qu’à un fil sur lequel nous marchons. Autour de nous, des esprits viennent subrepticement à notre rencontre, nous saluent puis s’en vont vers leurs propres destins. « Funambulist No4 » déploie ces interactions, la solitude qui demeure la nôtre tandis que l’atmosphère se couvre de brume. Pourtant, nous avançons, suivant les quelques notes de piano et de cordes, discrètes et progressant à notre cadence. Le don inné de Rémi Fay réside dans cette performance exceptionnelle, dans la motivation de l’imaginaire par un art du minimalisme prenant malgré tout une place prépondérante lors de la découverte de ses créations. Chaque seconde diffère de la précédente, nous remet en équilibre, nous rassure. Des figures lumineuses, éclairant le chemin qu’il nous reste à parcourir en sa compagnie. Un chapitre nous dirigeant du point originel à une destination encore inconnue, mais que l’œuvre globale Funambulist, disponible dans quelques jours et dont nous reparlerons bientôt ici, nous aide à atteindre et à inscrire dans le domaine du possible.


[Clip] Fabrice Aboulker – Je me souviendrai de vous

Des visages. Concentrés, captés en gros plans, tandis que les mélodies de piano de Fabrice Aboulker prennent délicatement leur place. Le noir et blanc amplifie les réminiscences, la portée dramatique de « Je me souviendrai de vous », de ce testament instrumental dont la beauté nous transcende, nous fascine. Il y a une attente, une suspension constante dans cette œuvre commune. Les cordes, sages, patientent jusqu’à leur introduction, idéale et d’une éblouissante poésie. Transfigurant ce que d’autres, en suivant le titre de la composition, auraient orné d’un chant discret, le sculpteur harmonique se focalise sur les dialogues, les silences et les dons de chacune et de chacun. Court-métrage d’instants existentiels destinés à devenir immémoriels, « Je me souviendrai de vous » est saisissant et fait naître, au creux de nos yeux, quelques larmes de soulagement et de réconfort.


[Clip] Mahssi – Las Hojas Son de Plata

De sonorités andalouses en harmonies complémentaires de la voix et de la guitare, « Las Hojas Son de Plata » cherche les racines de cultures que plus rien n’oppose. Inspiré aussi bien par la nature que par ses représentations artistiques, Mahssi exprime, en espagnol, les décors magnifiques et intimes de son inspiration, les lieux et rencontres ayant donné naissance à l’œuvre elle-même. Ce qui transforme le titre en un voyage à la fois géographique et intérieur, en une exposition de scènes de la vie quotidienne dont la poésie sobre et immédiate nous apaise et, plus que tout, nous unit les uns aux autres. « Las Hojas Son de Plata » est une main tendue, le témoignage d’un moment existentiel généreux et s’ouvrant à nous de la plus belles des façons. Avec humilité et passion.