[Groover Time #21] Bromsen, Sisco, Kiki Cubb, Klinger, Kiss The Gunner’s Daughter, MAXKDCH, Hope to Find, John C Buttigieg et JeanneMarie

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By Raphaël DUPREZ

[Clip] Bromsen – We!

« We! » est une célébration de l’amitié de Bromsen, comme ils aiment le décrire dans leur présentation ; mais c’est également un hymne à la confidence et à l’ouverture à l’autre, au sens social et festif du terme. L’attraction distillée par les impulsions électro-rock du duo, mis en scène grâce à des effets de lumière phosphorescents et un noir et blanc où la danse, aussi imparfaite soit-elle, invite au plaisir immédiat, se transmet d’un corps à l’autre afin d’attirer à lui le plus de monde possible. Derrière les formats reels de certains plans se dégage une effervescence club dont il nous est impossible de refuser l’invitation, tant l’énergie électrique qu’elle déploie crée un besoin quasiment vital et inéluctable de se joindre au dancefloor. En plus de projeter des courants alternatifs dont la puissance achève de nous remettre au centre d’un imparable et fédérateur système musical.


[EP] Sisco – Résistant

Résistant est âpre, trempé dans l’encre noire et visqueuse de la désillusion, de la peur et d’une révolte sur le point de jaillir des tripes de Sisco. Chaque titre, tumulte en fusion d’une révolution en marche, impose le chanteur au centre d’un monde dont les débris, portés par des vents tempétueux, le frappent de plein fouet. Mais lui ne vacille pas ; au contraire, il avance, lutte, crie et pleure pour retrouver un semblant d’existence dans les décombres qu’il explore. Fulgurance rock orageuse magnifiée par des textes d’une beauté hallucinée, Résistant se voit parcouru de fantasmes, de cauchemars et de destruction ; mais il y puise tout autant de plaisirs, là où la cendre aurait pu recouvrir inexorablement les espoirs et les résurrections. Par-delà le choc, se relevant des chutes, Sisco se mue en une créature dont l’explosion lumineuse pourrait bel et bien bouleverser les ordres établis, qu’ils soient intimes ou mondiaux, et nous sauver d’un naufrage trop tôt préprogrammé.


[Clip] Kiki Cubb – Wild Horses

Dompter ce qui demeure sauvage. S’approcher lentement de l’animal prêt à fuir, à s’évader. « Wild Horses » est un œuvre de la patience et de la raison. Les harmonies de Kiki Cubb, son langage instrumental parcourent les territoires vierges de toute présence humaine et s’approchent, doucement, de chevaux libres et indépendants. C’est ce regard tendre que la compositrice pose sur ses muses de l’instant, sur le pas précipité et allègre de créatures mythiques. Il faut respecter cette nature si belle et attirante, sans laquelle notre existence n’aurait aucun intérêt. « Wild Horses » berce et caresse, tout en demeurant en retrait pour ne pas empiéter sur les terres et mers de la pureté.


[LP] Klinger – Mosaik

Mosaik redonne à la musique de chambre ses lettres de noblesse, sans omettre d’inscrire sa démarche au creux d’une modernité instrumentale toujours plus étonnante. Grâce à ses compositions, Klinger explore et surpasse les limites du piano et des cordes en y instillant des impulsions rythmiques sans lesquelles ses œuvres ne seraient qu’une succession de pistes simplement axées sur la mélodie. C’est là que toute la différence se fait évidence : dans ces percussions saccadées, fruits de dialogues entre les interprètes et de réinvention de la valeur primordiale de chaque tempo, de chaque harmonie. Mosaik transfigure dès lors l’acte artistique de la plus belle des manières, grâce à une focalisation de tous les instants sur ce que l’expressivité revêt de plus intense et cristallin.


[Single] Kiss The Gunner’s Daughter – Ode to the Rock Show

Pour toutes celles et tous ceux ne comprenant pas en quoi le metal demeure une musique à la fois salvatrice et fédératrice, « Ode to the Rock Show » apporte enfin tous les éléments de réponses nécessaires à ce phénomène si particulier. En effet, le titre de Kiss The Gunner’s Daughter évoque, dans une ambiance d’une puissance fulgurante, les causes et conséquences de l’addiction à un style souvent décrié et incompris, tout en l’ancrant dans un rock beaucoup plus traditionnel et à même de ramener du monde dans le pit. Le spectacle ravage tout sur son passage et invite les personnes toujours hermétiques au bal, jusqu’à ce que les rideaux s’enflamment et que tout ce petit monde devienne totalement hors de contrôle. Et, finalement, n’est-ce pas ce que les headbangers recherchent par-dessus tout, dans leurs extases et leurs tentatives souvent avortées de focaliser l’attention de celles et ceux qui les prennent pour des dingues ? Kiss The Gunner’s Daughter a le glorieux mérite de trouver le succès là où beaucoup d’autres ont échoué avant eux.


[LP] MAXKDCH – Free Piano, Spring 5783

Une fois l’auditeur entré dans l’univers musical de MAXKDCH, il lui est totalement impossible d’en sortir ; et encore moins indemne. Car Free Piano, Spring 5783 replace l’instrument de prédilection du compositeur au cœur d’un maelström artistique cherchant ses racines aussi bien dans la pop que dans le hip-hop ou le classique, ce qui s’exprime avec majesté et intelligence au fil des mouvements incessants et troublants de chaque titre. Free Piano, Spring 5783 réinvente la performance et la conjugaison des matières du clavier, alliant la virtuosité à une sensibilité de tous les instants. Ici, rien n’est démonstratif ou exagéré ; chaque arrangement et progression demeure constamment lié à l’amour unissant l’objet et l’humain, pour une symbiose qui finit par nous arracher des larmes difficiles à contenir. Un opus charriant les éléments naturels, conviant l’eau et le feu dans une rencontre surnaturelle et magnifique.


[Clip] Hope to Find – 4

Souvent, la révolte gronde. Prenant toutes les formes, des plus subtiles aux plus extrêmes, elle converge vers ce besoin viscéral de libération du carcan politique et social dans lequel chacun de nous est involontairement enfermé. « 4 » retranscrit, pas à pas, les arguments datés et futiles des élites, les déviances opportunistes de l’éducation et la nécessité de se retourner contre cette oppression dormante mais malheureusement dictatoriale. De moments calmes et murmurés aux explosions de rejet et de revendication, Hope to Find délivre un monument contestataire qui n’est pas sans rappeler un certain The Wall, même si le langage ici employé s’ancre dans un réel et une modernité encore plus effrayants que lors de la sortie de l’œuvre phare de Pink Floyd / Roger Waters. La mise en scène, fébrile et volcanique, achève de placer les pions d’un échiquier au bord de la combustion. « 4 » lève le poing et nous appelle à rejoindre celles et ceux qui, sans crainte de sanctions ou de répression, ne sombrent jamais dans la passivité ou le désespoir.


[Single] John C Buttigieg – An Unexpected Turn

Parcouru de part en part par une mélodie prête à être explorée et sujette à de multiples variations, « An Unexpected Turn » définit sa volonté à travers son titre même. Le jeu subtil de John C Buttigieg commence lentement, fiévreusement. Puis, peu à peu, il s’éveille à la nature, à ses mouvements qu’il décrit avec une puissance musicale collant au plus près du spectacle qu’il convient d’illustrer. Caressant aussi bien la gravité que la légèreté, « An Unexpected Turn » est une tragédie propice à la révélation et à la contemplation, ces formes spirituelles prenant vie sous les doigts de leur interprète durant quelques précieuses et immuables minutes. Une pause existentielle qu’il faut savourer, cueillir et admirer.


[LP] JeanneMarie – Ma Peau

Tout se synchronise autour de la voix. Tantôt seule, tantôt multiple, elle narre les poèmes d’un recueil oublié, les strophes de textes mystiques que Ma Peau orne d’images mystérieuses, de fantasmagories dont il est impossible de se défaire une fois qu’elles sont ancrées dans nos esprits. Chamanique et subtil, l’album de JeanneMarie s’ouvre à une cérémonie de l’être et de la nature, tant intérieure qu’universelle. Les chants se muent en esprits diurnes et nocturnes émanant des pages du livre interdit, possédant l’auditeur au point de lui faire oublier toute présence extérieure, tout environnement dans lequel il croit se trouver. La lumière émanant de cet opus aux mille et une couleurs irradie, cajole, déstabilise. Ma Peau est une maïeutique inattendue et précieuse, un éveil de la conscience d’une rare et troublante puissance.