[Groover Time #18] Tundra Music Collective, Anonyme B, Chris de Sarandy, Le Cha, Gal Musette, Shayan Javadi, Ron Turner, Arezki et Graffiti Welfare

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By Raphaël DUPREZ

[Single] Tundra Music Collective – DANGER (You Gotta Love Her)

Le nouvel extrait de l’excellent Rawk On nous plonge au cœur d’une rencontre entre les représentants musicaux de nombreux continents. Débutant par quelques mesures tout droit sorties d’une escapade nocturne en terres arides, au son de percussions discrètes dont la présence s’unit à une nappe crépusculaire, « DANGER (You Gotta Love Her) » monte en pression grâce à l’incursion soudaine de tonalités jazz, le tout interprété avec un sens inné de la performance et du groove. Dès que la voix surgit et se démultiplie en plusieurs formes aptes à appuyer l’ordre qu’elle promulgue, le titre s’oriente non plus vers la douceur et la sagesse, mais dans une direction à même de revendiquer le droit et le devoir d’aimer sans chercher d’excuse. Une marque de respect et d’écoute que Tundra Music Collective laisse s’amplifier mesure après mesure, jusqu’à ce que l’œuvre, dans sa globalité, devient une pure et simple évidence. De la narration au discours, il n’y a qu’un pas, ici remarquablement franchi.


[Single] Anonyme B – HIVER MOROSE

« HIVER MOROSE » est un interlude propice à la reconstruction de ce qui paraît ne plus devoir, ou pouvoir, exister. Charriant les habitudes et les promesses non tenues, la chanson d’Anonyme B déroule un spleen à la fois intime et exaltant, un langage dont le réalisme personnifie les âmes qui s’y retrouvent. Tandis que la musique, d’abord discrète, s’intensifie parallèlement aux solutions et besoins existentiels, la voix monte en puissance, surgit puis éclate afin de convaincre, d’influer sur la passivité d’un temps et d’une histoire qui, si nous ne nous concentrons pas dessus, finira immanquablement par nous échapper. Ce qui emmène « HIVER MOROSE » de la timidité à la conviction, dans un mouvement croissant aussi beau que saisissant.


[Clip] Chris de Sarandy – Highway Love

Certains d’entre nous ont envie de fuir. De s’évader des méfaits que la vie réserve et qui tombent sans crier gare, tout en ayant des conséquences inoubliables sur notre mental. Grâce à « Highway Love », Chris de Sarandy a décidé d’explorer ce silence, cette route menant là où il se doit d’aller. Pour oublier, certes ; mais également pour comprendre le lien, la dépendance. Le clip amplifie admirablement ce road movie sensoriel et émotionnel, ce désir d’aller aussi loin que possible afin d’appréhender ce qui, quelques jours avant, était encore inimaginable. « A place with no meaning ». Et si, finalement, cet endroit hors du monde était la seule issue ? Si cette quête de soi, en aparté, était salutaire ? Si elle était le meilleur moyen de redevenir capable de s’ouvrir aux autres ? Tout « Highway Love » nous interroge sur ces questions qui, pour la majorité, sembleront futiles ; mais qui, pour quelques-uns, seront vitales afin de ne pas se perdre.


[Clip] Le Cha – J’aimerais que cette chanson te plaise

Comment créer la chanson d’amour idéale afin de séduire l’être qui nous attire ? Au-delà de l’image du dragueur lambda tentant désespérément de conquérir les cœurs grâce à ses compositions dégoulinantes de sentiments sirupeux, il fallait bien qu’un jour, quelqu’un s’empare du sujet afin d’en dévoiler l’évidente réalité. C’est ce que fait Le Cha avec « J’aimerais que cette chanson te plaise » ; et il suffit de se focaliser sur les paroles pour éprouver autant de rire que de sagesse – au sens ironique du terme. Au fil d’un clip où se succèdent évidences et clichés, le tout mis en scène avec une concentration de tous les instants, les mots défilent et déclenchent à la fois une immense hilarité, mais également un soupçon de tendresse venu de nulle part. Décortiquant l’hymne juvénile d’ados maudits et meurtris enfermés dans leurs chambres pendant des heures pour créer un imparable objet de séduction, « J’aimerais que cette chanson te plaise » fonctionne parfaitement et nous rappelle de nombreux souvenirs, bien que nous essayions trop souvent de les cacher sous nos lits.


[Single] Gal Musette – Moment

L’immense travail de composition et d’écriture dont fait preuve Gal Musette tout au long de « Moment » rend cette chanson à la fois mouvante et irrésistible. En effet, le titre alterne moments de clarté et rêveries nostalgiques, tandis que l’être auquel l’écriture de cette tendre missive est destinée apparaît au creux de chaque mot, de chaque phrase. Le chant de l’artiste, habitée et en harmonie parfaite avec les arrangements qu’elle se doit d’habiller, exprime plutôt que d’interpréter. À tel point que l’instant dont il est question est vécu par l’auditeur de l’intérieur, tandis que ses propres émotions se conjuguent à celles de Gal Musette. De chœurs en complaintes, « Moment » est une expérience riche et mélancolique, une ode tendre et mystique à l’absence et à l’acceptation des toutes les décisions, même les plus douloureuses.


[Clip] Shayan Javadi – Malakeh Zorat feat. Jacob Umansky, Maximiliano Ogaz

Étrange puis fascinant mélange de djent et de musique expérimentale, « Malakeh Zorat » incarne parfaitement l’essence de l’art protéiforme de Shayan Javadi. Guitariste et compositeur de génie, le musicien ne donne pas pour habitude de se reposer sur des pistes prédéfinies mais, au contraire, de les éprouver jusqu’à leurs ultimes frontières, conjuguant admirablement célérité et mouvement. Pour celles et ceux n’ayant pas l’habitude d’écouter ce style qui, trop souvent, apparaît comme une démonstration de force radicale et hermétique, « Malakeh Zorat » permet de mieux comprendre en quoi la technique se met au service d’un langage certes complexe, mais dont les plaisirs sont infinis. Le clip, mêlant hallucinations, humour et performance, amplifie ce sentiment de sécurité dans un tourbillon de rythmes, de riffs et de mélodies. De quoi éveiller les consciences sur la personnalité décidément passionnante de notre insatiable créateur.


[Single] Ron Turner – Jazz Moods

Plus habitué aux ambiances feutrées du blues, Ron Turner décide, avec « Jazz Moods », de sortir de sa zone de confort et d’expérimenter de nouvelles voies aptes à recevoir son impeccable faculté de steel guitarist. Porté par les instruments qu’il rencontre durant son périple, l’interprète fait preuve d’un sens de l’écoute de plus en plus accru, parvenant à inscrire sa propre patte sur des atmosphères inédites et qui, au final, lui vont à merveille. Loin de n’être qu’une succession de solos enfermés sur eux-mêmes, « Jazz Moods » se transforme en un dialogue constant entre chacun de ses protagonistes. Le résultat est une merveille de douceur et de tendresse, bande-son aussi douce qu’excitante d’une nuit ne faisant que commencer. Et nous exposant à des sentiments qui, jusque là, nous étaient totalement inconnus.


[Clip] Arezki – Faisait Longtemps

L’exil de l’être et des racines dont ce dernier vient. Les mots se succèdent et nous serrent le cœur, tandis qu’Arezki se plonge dans des souvenirs presque palpables et qui, au son doux de sa voix, deviennent immédiatement les nôtres. « Faisait Longtemps » ne s’attarde pas sur la nostalgie ; au contraire, il l’embrasse de toutes ses ultimes forces, la regarde et la partage avec autant d’humilité que de sensibilité. Au gré des films d’enfance et des témoignages sur pellicule, ce sont bel et bien les mille et une vie de l’artiste que nous contemplons, à ses côtés. Pendant qu’il nous guide, sans regret ni amertume, le long des berges de ce troublant instant de solitude et d’introspection, Arezki trouve sa place après l’avoir longtemps éprouvée et cherchée. Celle d’un homme se sachant aussi reconnaissant que visionnaire, alors que ses expériences déjà multiples ne font que commencer.


[Single] Graffiti Welfare – To Be It

« To Be It » est l’écoute de l’incertitude. La montée douce et emplie d’interrogations d’une âme cherchant à se reconnecter aussi bien à sa propre existence qu’à celles des êtres qui l’ont amené là où il demeure, ici et maintenant. Du murmure à l’exposition spirituelle des émotions, Graffiti Welfare laisse progresser le fil de sa pensée, de son inspiration. D’abord instrumental, le titre accueille les mots à la fois forts et subtils de l’individu confronté à ses doutes autant qu’à ses fantômes. Tant et si bien que « To Be It » se mue en une solution aux maux de chacune et chacun, une pause inattendue et inespérée sur la ligne temporelle de nos expériences. Pourtant, là où d’autres auraient laissé exploser leurs ressentis, la voie empruntée par Graffiti Welfare fait preuve d’une insoupçonnable bienveillance, regard affectueux et fédérateur sur nos consciences enfin apaisées. Un guide céleste, que nous suivons sans hésitation.