[News #9] ÉLÉONORE, Violet Arnold, Chaos Heidi, Grandma’s Ashes, vice E roi et Monnekÿn

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By Raphaël DUPREZ

[Clip] ÉLÉONORE – Darkness

L’attraction fatale des sirènes apparaissant dès les premières secondes de « Darkness » pourrait laisser augurer d’un drame fantastique dont ÉLÉONORE serait la victime, emportée dans les profondeurs de ténèbres intérieures jusqu’à la noyade et la perte de conscience. Mais, rapidement, images et chant s’orientent vers une acceptation intime, une reconnaissance de ces zones obscures de l’âme qu’il est de bon ton de taire. La peur cède sa place à l’accueil d’émotions sans lesquelles la création ne serait rien ou, du moins, demeurerait incomplète. Et nous de constater qu’ÉLÉONORE franchit une formidable étape dans l’appropriation de ses inspirations et talents créatifs. « Darkness » se pare d’un noir et blanc amplifiant le sentiment onirique et irréel de l’action, tandis que la musique et les mélodies vocales alternent puissance et mélancolie, ces deux uniques sources de la métamorphose que nous admirons sans que nos yeux puissent un instant s’en détacher. ÉLÉONORE prend le contrepied de nos espoirs et suppositions la concernant, et nous offre rien de moins qu’une preuve exceptionnelle de sagesse introspective.


[Clip] Violet Arnold – Bird

La synchronisation de l’espace clos et d’une nature accueillante et longtemps désirée imprègne l’alternance précise et poétique de « Bird », bouleversante évocation du détachement de l’âme lorsque celle-ci quitte le corps qui, pour un temps, l’a contenue. Inspirant au spectateur une réflexion sur la libération de la pensée autant que sur le deuil, Violet Arnold ne surcharge à aucun moment son titre de mouvements dramatiques ou tragiques qui, à n’en pas douter, n’auraient pu que lui nuire. De fenêtres libératrices en envolées harmoniques et rythmiques fulgurantes, « Bird » se saisit de l’image animale afin de caresser et d’inspirer l’être pour le projeter doucement vers une dimension supérieure, un ciel mystérieux et dont les espérances illimitées amplifient nos sentiments d’extase et d’évasion. La mise en scène, feutrée et minimaliste, dépeint admirablement le verbe bouleversant et rassurant de la compositrice, tandis que le voyage imprévisible et apaisant de ce court-métrage docile et céleste se prolonge à l’infini, maintenant et pour l’éternité.


[Single] Chaos Heidi – The Devil Knows (Elye & The Hydra Remix)

S’attaquer au titre de Chaos Heidi, déjà porté par les figures diaboliques de paroles humaines alliant malédiction et acceptation, pouvait sembler compliqué, voire impossible. Pourtant, la relecture de « The Devil Knows » qui nous est ici offerte se plonge davantage dans les flammes éternelles de la possession, amplifiant le cœur brûlant et luciférien de la figure féminine admirablement décrite par l’artiste. Elye & The Hydra s’empare des incantations originelles et crée un décor fantasmagorique d’une beauté à couper le souffle, attirant les âmes perdues vers d’éternelles danses extatiques. Les boucles synthétiques et rythmes martiaux font tomber nos ultimes renforts face à la soumission au désir et à la jouissance, nous obligeant, à notre corps consentant, à reconnaître que le Malin connaît dorénavant nos noms, nos péchés et fantasmes cachés. Un travail précis et dont les effets conjugués dévastent les plaines ennuyeuses de nos doutes et de nos solitudes. Place au plaisir, aussi libre et ensorcelé soit-il.


[Clip] Grandma’s Ashes – Spring Harvest

L’esthétique racée et emplie d’érotisme de « Spring Harvest » transporte immédiatement l’art de Grandma’s Ashes vers des contrées visuelles encore inconnues mais qui, au fur et à mesure du développement de l’action, s’avèrent parfaites dès qu’il s’agit de rendre justice aux multiples dons d’un projet que l’on ne cesse d’aimer tant et plus. Les éclairages, éblouissants puis tamisés, laissent à peine transparaître les connexions des corps, les baisers et les caresses, tandis que la figure divine provoque en un instant l’inévitable abandon de chacun des protagonistes. Lentement mais sûrement, l’énergie rock de ce titre torride fait monter la température, engendre des changements comportementaux et picturaux puis, prenant le pouvoir sans crier gare, invite ses dissonances dans une ascension orgasmique dont l’intensité demeure constamment incontrôlable et ô combien jouissive. Là où Grandma’s Ashes surprend, c’est dans sa manière de détourner les codes d’un art mélodique parfois trop étroit et ne demandant qu’à s’approprier mille autres inspirations, ce qui méritait un court-métrage d’une beauté subjuguante et aux effets secondaires extatiques et mystiques. Tant et si bien que le spectacle se ressent le long de nos épidermes et nous projette sans crier gare en son cœur, pour quatre minutes d’un inoubliable lâcher-prise lascif et sensuel.


[Clip] vice E roi – Jouer ensemble

Une transmission extraterrestre, témoignage d’un message ayant traversé les galaxies et dont le contenu a été reçu par les habitants d’une planète lointaine, ces derniers cherchant alors à comprendre les motivations premières d’un peuple enfin accessible. Mais l’étonnement cèdera rapidement sa place à la surprise : en effet, « Jouer ensemble » ne tombe à aucun moment dans le piège d’une preuve de l’intelligence supérieure d’une humanité bien trop ambitieuse, mais expose le plaisir des sens et des corps, de même que l’incomparable incandescence de la passion. vice E roi cherche par tous les moyens à s’emparer du lieu clos qui lui est offert, mais voit rapidement ses ambitions contrariées par une bien-pensance et une canalisation trop réductrice de ses plaisirs communicatifs. C’est là que « Jouer ensemble » dénonce la banalisation de l’amour et de l’attraction : dans sa seconde partie, le clip fait converger les pertes de contrôle vers un centre névralgique passif et soumis, soit tout l’opposé de ce que nous pouvons vouloir et espérer afin de vivre pleinement les liens uniques qui nous attachent et nous rapprochent. Musicalement et visuellement, le spectacle génial et intelligent de « Jouer ensemble » amplifie le paradoxe actuel régnant entre la démonstration médiatique de l’ivresse sensorielle et son essence maintes fois viciée. À nous, dorénavant, d’inverser la tendance.


[Clip] Monnekÿn – 31

Lors des premières secondes de « 31 », la peur et l’horreur nous capturent dans leurs filets et ne nous lâchent plus. Dans l’obscurité de grottes menaçantes et de lieux accueillant un culte dont les incantations ne risquent pas d’attirer de petits anges protecteurs et souriants, l’apparition soudaine de figures telles que Momo et Ghostface donne le ton : Monnekÿn va souffler un vent de frayeur et de puissance sonore apte à terrasser la pénible tranquillité de nos journées toutes tracées. « 31 » réveille les Enfers, convie les premières épreuves cinématographiques des grands George Romero et Sam Raimi au creux de sa mise en scène et de ses mouvements de caméra, puis invoque un bouleversement terrestre qui, tant qu’il sera communiqué par nos forces et nos partages, contaminera la bienséance et la fatalité. Monnekÿn est une interférence, une fréquence absolue de l’éveil des âmes et de la corrosion de spectacles télévisuels et médiatiques beaucoup trop sages et décérébrés. En quelques instants alternant puissance sonore et chants chamaniques, l’offrande nous nourrit puis électrise nos cerveaux avant d’amplifier notre acuité visuelle et sensorielle. Pour éviter le désastre, rien de tel qu’une dose maligne et contagieuse de vice et de perversion.