Pour _telemaque_, créer un nouvel opus revient à rechercher les couleurs essentielles du tableau qu’il s’apprête à peindre, afin que celui puisse tout d’abord être la projection de ses pensées et inspirations, puis vivre et s’élancer vers nous. We see you when you don’t see us est une exploration intense de l’art musical, un travail acharné et titanesque des mélodies et des arrangements. Terreau mouvant de tous les possibles, l’EP peut se montrer tour à tour fracassant ou délicat, voire les deux en même temps. Le simple fait d’écrire et de composer devient une expérience ne laissant rien au hasard, évitant les écueils et ne s’échouant jamais sur les plages parfois trop appuyées d’influences aptes à réduire son impact. Au fil de cinq lettres que le créateur rédige et signe pour ses enfants, le disque est sincère, poétique et franc. La quintessence d’une performance libre de tout carcan et sachant, au plus profond d’elle-même, où elle souhaite se diriger avant de larguer les amarres et d’affronter les océans et leurs mystères.
Ouvrage insatiable du son, de ses âpretés et de ses matières noires ou éclatantes, We see you when you don’t see us échappe à toute caractérisation trop aisée et inutile. Que _telemaque_ invoque les déités du rock ou les spectres électro d’un raz-de-marée harmonique et émotionnel aussi puissant qu’inégalable, sa collection de missives est une mutation infinie de sources vives, d’éléments naturels et artificiels qu’il étudie et emploie à des fins savantes et éloquentes. L’auditeur se doit de focaliser toute son attention sur les péripéties auxquelles le chant se heurte, sur les cuivres dociles ou les percussions explosives d’une substance dont le pouvoir de conviction et de bouleversement est une formidable évidence. Un monument balayé par les flots incessants de la vie. Et fécondant lui-même une nature dont le cocon révélera une créature vouée au respect et à l’éternité.