[Groover Time #35] Stefan Certic, Jack Simard, Elefan Tree, Coco Franca, D3sty N0v4, Iona Griffey, Pour Out The Light, Steven Poole et Ronan Furlong

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By Raphaël DUPREZ

[Single] Stefan Certic – Human

Au gré d’élans électro-pop alliant autant influences 80’s que sonorités plus actuelles, « Human » décrit les pensées parfois obscures et intransigeantes d’un être confronté à la colère de l’autre. Cette réponse qui ne viendra pas s’épanouit pleinement dans le chant et les instrumentations, dans cette atmosphère de flottement et de ténèbres, d’incompréhension et de passivité. Pour Stefan Certic, la musique devient dès lors le seul et unique refuge, le moyen incomparable de permettre à ses divagations et ses douleurs de s’exposer publiquement, notamment lors d’une seconde partie prenant un envol lumineux et onirique. Une maîtrise totale de l’art si difficile à assimiler de l’artifice et du synthétique.


[Clip] Jack Simard – Non

Savoir répondre par la négative. Dépasser la gentillesse et la crédulité pour ne pas se faire avoir. Se confronter à une opposition qui, au final, est juste. « Non » récite les phases existentielles de ce qui nous est imposé, de ce que nous devons prendre pour acquis et à quoi il convient d’obéir aveuglément. La narration au cordeau de Jack Simard, le cri de son refrain, tout s’entrechoque et vient renverser avec force les barrières que nous avons nous-mêmes érigées, soit par peur du refus, soit par lâcheté. La mise en scène est parfaite, les gestes venant poser un cadre vivant autour du musicien et animer encore plus intensément sa diction. « Ce non du cœur, ce non du sang, ce non sec et on ne peut plus franc. » Résumé d’une vague révoltée dont la formidable ascension s’ancre à jamais dans nos mémoires et nos actes manqués, en plus de motiver les nombreux choix à venir.


[EP] Elefan Tree – Three

Simplement, contempler. S’allonger et ne rien faire, sauf rêver. S’accorder une pause, un sauf-conduit existentiel qui, si nous n’en prenons pas la décision, va immanquablement nous échapper. Three invite à cette méditation impromptue, à l’apaisement de nos charges émotionnelles trop lourdes. Dessinant des paysages mélodiques dont la pureté cristalline et les discrets effets électroniques amplifient notre sensation de bien-être, Elefan Tree laisse couler de doux flots rassurants et vibrer l’air tout autour de nous. En dévoilant, peu à peu, les énergies naturelles qui nous traversent, l’EP nous fait prendre conscience de ce que nous ne voyons ou ne ressentons pas. Patient et serein, Three agit sur nos neurones, modifie nos sensations et motive, lentement et puissamment, notre imagination.


[EP] Coco Franca – MULTIPLE Chill

Troisième volet de la saga MULTIPLE instaurée par Coco Franca, MULTIPLE Chill se démarque de ses prédécesseurs par sa capacité à s’accorder quelques instants de tendresse et de contemplation. L’EP apparaît tel une remise en question de ce qui a été vécu auparavant, dépouille ses instrumentations dans ses premiers instants afin de mieux les laisser prendre leur envol dès que le besoin s’en fait ressentir. De berceuses trip-hop en instants de danse et de transe totales, MULTIPLE Chill ne suit jamais une route toute tracée. Déviant vers le rock ou la dance, l’opus foudroie par ses habiles contournements et accaparements de styles ici foisonnants et parfaitement complémentaires. Trois visages d’une seule et même femme, en paix et en communion avec son inspiration et son être.


[Single] D3sty N0v4 – Old Digger (feat. Globe Children Club)

L’image et le son sont intimement liés. D’instantanés sur papier glacé en divagations mélodiques, le chemin est sinueux et semé d’embûches, mais vaut la peine d’être emprunté et, parfois, quitté pour découvrir ce qui se dissimule au-delà de ses limites. « Old Digger » noue les atmosphères jazz à une rythmique hip-hop usée d’avoir été trop jouée sur les platines. Un épuisement sonore qui, dès lors que nous nous focalisons dessus, lui offre toute son ampleur et son ambiance à la fois obscure et intime. Le travail de D3sty N0v4 se pare d’une beauté froide pénétrant nos couches épidermiques et nos boîtes crâniennes. Un élan toujours plus profond vers l’adéquation idéale entre photographie et musique, pour une expérience étrange et hypnotique.


[Single] Iona Griffey – Candy

Iona Griffey démontre, grâce à « Candy » sa capacité apparemment inépuisable à écrire et composer la musique qui lui convient le mieux, sans se soucier de ressembler à qui que ce soit d’autre. Alliant magnifiquement pop et rock, le titre se pare d’arrangements maîtrisés et d’une production limpide, le tout ayant demandé un travail et une réflexion de tous les instants. Iona Griffey a également focalisé l’intensité de sa chanson sur sa voix, sur l’importance cruciale de cette dernière afin d’exposer ses émotions, ses choix, ses réflexions. « Candy » est le miroir d’un instant précis mais n’oublie jamais qu’il se doit, longtemps, de résonner tout autour de nous lorsque la mélancolie et le besoin de réconfort et de sécurité nous saisissent.


[Single] Pour Out The Light – Blue Star

Une délicatesse ambient venue de nulle part. Inspirant à l’auditeur la sensation d’être capable de regarder le soleil sans se brûler les yeux, d’en admirer le mouvement et les éruptions, « Blue Star » magnifie le minimaliste de ses nappes instrumentales de quelques mélodies et arrangements venant offrir un événement soudain et dont le plaisir demeure intact et précieux. L’atmosphère est douce, confortable, rassurante. Pour Out The Light écrit et interprète la musique de brumes et de vapeurs donnant naissant au prisme nous permettant de voir l’invisible, de dire l’indicible.


[Single] Steven Poole – Cloudhunting

En contact avec la Terre, notre corps sent l’appel des cieux, des mouvements qui le décorent et le magnifient. Lorsque nous levons les yeux, « Cloudhunting » commence, lentement, à nous bercer de ses mélodies de piano satinées et duveteuses. Les nuages défilent doucement, les formes que nous y percevons se dessinent toujours plus intensément. Tandis que la musique de Steven Poole nous accompagne, nous lie à ce que nous ne pouvons atteindre, tout notre être s’élève et se rapproche de textures que nous pouvons, enfin, toucher. Quelques minutes de magie liées à une éternelle sérénité.


[Clip] Ronan Furlong – Seneca Said

Le folk de Ronan Furlong, la magie de ses arpèges conjuguée à sa puissance vocale si particulière, font de « Seneca Said » un bouleversant moment de prise de conscience philosophique et humaine de l’existence. S’inspirant de Sénèque pour parfaire le songwriting d’un poème dévoué et intense, le compositeur et interprète vit ce qu’il a appris, grâce à une profondeur harmonique marquante et immédiatement liée à notre esprit. Grâce à cette éloquence unique et parfaite, « Seneca Said » inspire autant de rémission que de sagesse, le temps de minutes précieuses et essentielles. Un orateur moderne dont nous ne pouvons que devenir les disciples.