[Groover Time #32] Blackfeet Revolution, Emily Nicole Green, The Lovelines, The Misty, Sara Saphir, Domenico Quaceci, Sébastien Delage, Behind Our Reflections et Not In Your Circle

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By Raphaël DUPREZ

[EP] Blackfeet Revolution – Désordre

Loin de s’arrêter à une déferlante rock d’ores et déjà impeccable, Blackfeet Revolution cisèle les compositions de Désordre avec un sens de l’écriture amplifiant toujours plus notre sensation de révolte et de colère. L’EP est un condensé de rock infusé de blues et de grunge dont la production permet de distinguer chaque strate, chaque détail. De même, en imprégnant ses textes en français d’une intégrité hors norme, le groupe n’abandonne à aucun moment ses ambitions, sans pour autant sombrer dans la démesure. Désordre est un pamphlet dont le propos et l’intelligence éloquente s’emparent de nous et s’intègrent aisément dans nos réflexions profondes sur la société actuelle et la place de l’individu en son sein. Interrogeant constamment sa propre personnalité, Blackfeet Revolution véhicule un tempérament brûlant et volcanique, dont les salves pénètrent nos âmes aussi bien que nos épidermes.


[Clip] Emily Nicole Green – It’s Gonna Be Okay

Alors que tout est mouvement et chaos, « It’s Gonna Be Okay » marque une pause et tempère le tumulte universel nous percutant de toutes parts. Le folk magnifiquement composé et arrangé d’Emily Nicole Green se pare d’un clip dont la mise en scène nous apaise, détend nos muscles harassés et nos esprits effervescents. Lançant son appel à l’aide, la musicienne y répond par elle-même, dans une chorégraphie tendre et rassurante portant en elle les graines d’une sérénité enfin retrouvée. Mais rien n’est jamais acquis ; c’est pourquoi « It’s Gonna Be Okay » n’en devient que plus essentiel pour nous. N’oubliant pas d’où elle puise son inspiration, Emily Nicole Green donne vie à une œuvre en spirale, un cercle de vertu dont nous nous éloignons parfois mais auquel nous finissons par revenir, par besoin autant que par nécessité.


[Single] The Lovelines – 1-800-LOVELINE

Besoin d’un peu de réconfort et d’une oreille attentive ? D’un shot de tendresse par téléphone ? La ligne de The Lovelines est ouverte et n’attend que vous. Au fil d’une piste dont la délicatesse rock se tourne vers ses désirs pop, « 1-800-LOVELINE » nous offre deux précieuses minutes d’un rapport unique et essentiel au prolongement de nos existences, dès que nous aurons raccroché. Allongés sur nos lits, nous écoutons la voix de Tessa nous murmurer ce que nous désirons entendre par-dessus tout. Retrouver un semblant de passion et d’affection, même provisoire. The Lovelines écrit le dialogue intime et discret dont les âmes esseulées ont toujours rêvé. Envoûtant et sensuel.


[Single] The Misty – Atlas & The Pyramids

Ne surtout jamais se fier aux apparences, d’autant plus lorsque celles-ci ne cessent d’évoluer là où nous ne les attendons pas. « Atlas & The Pyramids » est un rollercoaster de haute volée, emplie d’une multitude d’idées mélodiques et d’arrangements vocaux et instrumentaux aptes à faire pâlir bon nombre de groupes trop souvent engoncés dans un seul et unique style. L’écriture de The Misty exige d’elle-même une indépendance folle et furieuse, un besoin vital d’expérimenter le rock, le psychédélique, la pop ou le surf rock ; termes bien trop réducteurs face à ce single massif et visionnaire, piédestal d’un colosse n’en finissant jamais de mériter sa place sur la plus haute colonne du temple artistique moderne.


[Clip] Sara Saphir – Preuves d’amour

Tout le monde est beau, tout le monde est gentil. C’est, en substance, ce qui ressort au premier abord de ce « Preuves d’amour » dégoulinant de bons sentiments et d’une passion quotidiennement partagée. Sauf que, dès qu’il s’agit de gratter le vernis, la vérité est toute autre. Sara Saphir met en scène ses évidences pop façon TikTok pour mieux appuyer là où ça fait mal. De surnoms en moments de bonheur exagérés par écran de smartphone interposé, « Preuves d’amour » respire l’artifice et la projection amplifiée d’une idylle qui, alors que l’amour lui-même ne veut plus rien dire, a toutes les chances de ne pas tenir le choc. Au final, Sara Saphir s’habille à la perfection de son rôle de tourmenteuse des âmes rose bonbon, de toutes celles et tous ceux adorant faire pleuvoir ce qu’ils ne connaissent pas en se persuadant qu’ils le maîtrisent. Subtil, ironique et diabolique. Le ver est dans le fruit.


[Single] Domenico Quaceci – After sunset

Domenico Quaceci regarde le jour se faner, se fondre à la nuit. Une ultime contemplation de la beauté de l’astre, une inspiration profonde. « After sunset » est un échange entre les déités diurnes et nocturnes, le mouvement des nuages et des flots, l’apparition de ce que les ténèbres nous réservent. De surprises merveilleuses en idéaux demeurant à découvrir et savourer, le dialogue piano-violoncelle dessine le lien entre l’horizon et l’étoile en sommeil, nous délivrant ainsi des doutes et des souffrances accumulés au fil d’heures n’ayant, ici et maintenant, plus aucune emprise sur nous. Dernières notes s’envolant vers les aigus. Ne demeure que le silence, affectueux, accueillant.


[Clip] Sébastien Delage – Dale Cooper

« Blue Rose » devient « White Rose ». L’opération mystérieuse des agents du FBI de David Lynch atteint une nouvelle dimension avec « Dale Cooper ». Loin de n’être qu’un hommage au personnage central de Twin Peaks, le clip de Sébastien Delage est bel et bien un prolongement personnel de l’œuvre et de son impact inter-générationnel – et plus encore. Dans la peau de la victime, insufflant quelques références à Laura Palmer, le musicien se met en scène et délivre les indices d’un tourment façon bondage menant inexorablement à sa disparition. La tendresse suave des guitares et de la voix nous remémorent les concerts finaux de la troisième saison de la série. Mais, plus loin, la conjonction de deux êtres que tout oppose devient une évidence. En effet, n’oublions pas que Dale Cooper est également le nom d’une star du porno gay, que Sébastien Delage télescope avec son homonyme télévisuel. Le résultat nous hante et nous déstabilise, mais reste d’une inquiétante et profonde beauté mélodique et cinématographique.


[LP] Behind Our Reflections – Infinity

Infinity n’est pas un simple album de metalcore. Il est beaucoup, beaucoup plus. Lorsque l’auditeur se focalise sur son essence même, celle-ci exprime une multitude croissante d’inspirations culturelles antédiluviennes, de cultes et de déités que le commun des mortels ne connaît pas encore. Grâce à l’intelligence visionnaire et respectueuse de Behind Our Reflections, l’opus se transforme en une incantation brûlante et chamanique, une prière païenne émergeant des profondeurs du mystère, une résurrection. La production amplifie d’autant plus cette sensation unique en son genre, permettant de distinguer chaque détail mélodique et sonore. L’œuvre est un recueil interdit dans lequel nous adorons nous plonger afin d’en cueillir les invocations et les sortilèges ; ce qui tourne rapidement à la dépendance et à l’obsession.


[LP] Not In Your Circle – A Hidden Sun

La fragilité constante de A Hidden Sun provoque chez l’auditeur un sentiment exponentiel de réflexion humaine et d’imprégnation émotionnelle. Le long d’un album fourmillant de détails instrumentaux unissant cordes délicates, guitares éthérées et claviers pulsionnels, Not In Your Circle raconte ses histoires éphémères, ses rencontres avec les fantômes de l’inspiration et du mysticisme. L’opus dévoile, peu à peu, mille et une facettes, dans un équilibre authentique, savant et poignant. En faisant le choix de ne ressembler à personne, quitte à se mettre volontairement en dehors du cercle, le compositeur bordelais emploie ses multiples talents afin qu’ils deviennent aussi efficients qu’émouvants. Un disque n’appartenant à aucun style prédéfini, dont les esprits nous hantent continuellement, pendant et après son écoute.