[Groover Time #29] Laurent La Rocca, Garth Adam, O’Bear, AUXR, SIBYLLE, Mars LAF, Stefano Cinti, mokroïé et Maddly

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By Raphaël DUPREZ

[Single] Laurent La Rocca – Be Happy

Il suffit simplement de se laisser aller, de savourer la fraîcheur contagieuse de « Be Happy » durant nos longues journées de chaleur. Laurent La Rocca signe un titre apaisé, empli de nonchalance et d’arrangements à la fois caressants et frais. Au fil de rythmes reggae et d’instrumentations électroniques ou acoustiques, « Be Happy » sifflote, regarde le mouvement de l’humanité tranquillement allongé sur sa bouée et, en se comportant de la sorte, accueille à bras ouverts celles et ceux qui voudront se joindre à lui. Quelques minutes de plénitude insulaire et solaire durant lesquelles plus rien ne compte, si ce n’est le plaisir de voir les vaguelettes nous bercer doucement et calmer nos journées ardentes.


[EP] Garth Adam – Say You’ll Come With Me

L’EP de Garth Adam semble venir d’une autre époque. Celle durant laquelle l’écriture pop s’ornait d’arrangements et d’une écriture prenant des risques salvateurs devant sa partition originelle. Le songwriter y livre à la fois l’intimité nécessaire à la confection inspirée de ses chansons et l’importance capitale de l’instrumentation et de la production, notamment au fil d’un impressionnant travail vocal. Say You’ll Come With Me se berce de solitude et d’espérance, de fruits existentiels doux-amers mais n’oubliant jamais qu’il demeure, au-delà de l’obscurité, une expression émotionnelle digne et forte. De chœurs en guitares implorantes, l’EP est une vibrante exposition de sentiments à fleur de peau, mais qui doivent impérativement être donnés à celles et ceux qui, dans la peine comme dans l’espoir, cherchent une lueur apte à les guider et éclairer leurs consciences.


[Single] O’Bear – Fade Out

Un signal perdu dans l’infinité de l’espace. Une rencontre céleste. Est-ce une créature ? Le son du vide sidéral ? « Fade Out » voyage au fil des étoiles et des astres, lentement, en apesanteur. Le piano guide le voyageur égaré vers cet appel venu de nulle part mais qu’il faut trouver et comprendre. Quelques échos lointains, puis de plus en plus pressants, attirants. O’Bear se démarque de son écriture originelle et donne à son single une ampleur rare, définition sensible et merveilleuse de l’indicible, du mystère. Enfin, la rencontre. Dès lors, nous nous devons de laisser les deux entités seules, unies. Respecter leur échange, leur partage. Laisser filer, devant nos visions terrestres, l’éternité de l’obscurité stellaire.


[Single] AUXR – Try (featuring PHUONG)

« Try » s’impose rapidement comme l’une des pièces majeures du trip-hop actuel. L’art d’AUXR, parée de douceurs rythmiques et de profondeur instrumentale, accueille la voix tantôt parlée, tantôt chantée et l’orne de mille et un désirs dont la folie et l’intensité s’emparent immanquablement de nous. Plongée magique et étrange dans un puits spirituel dont nous explorons les aspérités et la profondeur, « Try » regarde l’inconnu et le mystère droit dans les yeux. De ténèbres en éclairs illuminés, AUXR emploie ses dons et sensations afin de nous confier une musique sensitive et bouleversante, alors qu’elle ne cesse de déclencher en nous des connexions synaptiques et neuronales suractivées.


[Clip] SIBYLLE – Ophélia (live au Triton)

Il est toujours étonnant de voir à quel point la poésie demeure intemporelle, dès lors que les artistes viennent y puiser une infinie inspiration. Portée par le texte poignant d’Arthur Rimbaud, SIBYLLE accueille les vers et les fait siens, au gré d’une instrumentation mêlant cultures musicales ancestrales et chant d’une enivrante magie. Par la voix de la musicienne, le personnage shakespearien s’offre à notre regard dans toute sa liberté et la souffrance qu’elle a dû affronter avant de s’offrir pleinement à la tragédie. « Ophélia » est un spectacle rare, où douceur et folie s’entrelacent pour un hommage audacieux et vibrant. L’Histoire de l’Art faite chair et émotion, grâce au respect et à la volonté infaillible de SIBYLLE et de ses musiciens. Une danse se faisant expérience et exposition visuelle et sonore d’une page à jamais gravée dans nos mémoires.


[Clip] Mars LAF – Némésis

La splendeur dark d’une confession intime et juste. L’enflammement d’un besoin viscéral de dire, de clamer ce qui a été écrit lors de moments de folie introspective. « Némésis » évoque et provoque, s’imprègne de sonorités obscures et n’hésite à aucun moment à plonger dans les limbes brumeuses et insalubres de l’existence. Mars LAF y déploie alors ses souffrances, mais réussit également à les entrechoquer pour mieux les fracasser contre les murs râpeux de son esprit. S’ensuit une expérience éprouvante et cathartique. Un équilibre de la colère, de la vengeance et de la purification par la violence du verbe et du son. Un épisode existentiel crucial et dont l’implacable dynamique n’a pas fini de renverser nos idéaux trop lisses et les principes immoraux qui nous sont constamment imposés.


[Single] Stefano Cinti – La petite promenade du poète

Le long de rues désertes et solitaires, Stefano Cinti écoute et livre sa vision du poème de Dino Campana. Au gré de sa voix et de sa composition, « La petite promenade du poète » inspire chaque souffle du texte originel, chaque parfum. Et se donne corps et âme aux sensations et constats de son maître à penser, lors d’un bouleversement du regard demeurant constamment à l’affût. De la mélancolie à la révélation, de la douceur à l’âpreté du témoignage, Stefano Cinti guide son art au gré des vers et des évocations puissantes et impactantes de Dino Campana. Une révélation divine mais toujours à hauteur d’homme, pour peu que chacune et chacun l’embrasse avec humilité et acuité.


[Clip] mokroïé – NATURAL

Au dehors, la nuit règne. Immortelle, avide, menaçante. Tandis que la Terre se déconstruit sous nos yeux au fil d’une animation précise et scrupuleuse, « NATURAL » envoie les éclairs et fulgurances de sa musique afin d’enflammer les torches, les volcans, les feux éteints de la rédemption. mokroïé explore l’ampleur et la densité de la musique électronique afin de donner vie à la bande-son d’un combat constant entre l’humain et sa mère nourricière. De la révolte à la prise de conscience, de la peur des ténèbres à l’impact tétanisant et impulsif de révélations toujours plus marquantes, « NATURAL » est une œuvre à part entière, un dialogue précis et obsédant entre l’image et le son. Un choc éblouissant, une évocation toute en puissance de nos égarements spirituels et terrestres.


[EP] Maddly – Réveille toi

Explorant les limites toujours plus fines entre la raison, l’éveil de la conscience et la mélancolie maladive, Maddly dévoile son existence avec une tendresse et une immédiateté qui, une fois que nous nous sommes assis à ses côtés, résonnent immanquablement en nous. Réveille toi est une œuvre essentielle à sa créatrice. La seule issue possible afin de ne pas sombrer ni laisser les tourments la posséder pleinement, jusqu’au point de non-retour. De phases introspectives en regards cathartiques, l’EP traverse les schizophrénies instrumentales et lyriques puis les éclaire à la faveur d’une lueur vacillante et prête à s’éteindre si nous n’en prenons pas soin. Le travail rythmique et vocal amplifie d’autant plus la narration d’une femme confrontée à l’extérieur, de ses doutes et de ses peurs d’aller y faire un tour et de se présenter à la vue des autres. Dépassant la procrastination, Maddly ouvre la voie unique et nécessaire à sa guérison. Et nous offre l’une des plus intenses et merveilleuses solutions à nos maux de l’âme.