[Groover Time #23] Waahli, A.D.4, Bleu Spiruline, F&A, Thexele, Charlilou Loverdose Duo, Gintsugi, Post Moleski et TMX

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By Raphaël DUPREZ

[Clip] Waahli – Vini Danse

Pour tous les amateurs de découvertes musicales nouvelles et éveillant profondément leur intérêt, l’art de Waahli est une bénédiction. En effet, « Vini Danse » s’offre le plaisir de mélanger les styles, d’y puiser une écriture et une interprétation fourmillant de détails qui, bien que nombreux, n’effacent en rien le plaisir immédiat ressenti à son écoute. Entrelaçant rythmiques électroniques, samples vocaux choraux d’une étrange beauté et performance frôlant les écueils périlleux du ragga, « Vini Danse » fascine, aussi bien grâce à son complexe tissu sonore qu’à sa mise en scène, lumineuse et léchée. Le résultat est un objet mouvant non identifié qui, à n’en pas douter, n’en finira pas d’exciter les pupilles et tympans d’un public que Waahli parvient sans difficulté à rallier à sa cause.


[Single] A.D.4 – There & Back Again

Plus les années passent, plus le metal s’oriente vers des penchants radicalement extrêmes via ses multiples courants. Le phénomène est simple à expliquer : dans une société oppressive et où la violence règne en maîtresse inébranlable, il faut impérativement trouver une forme de catharsis, un exutoire pour lequel l’art demeure l’un des supports les plus à même d’assouvir les pulsions humaines (la recrudescence des films d’horreur et leur popularité en est un autre et flagrant exemple). Dans ce contexte, qu’en est-il de la ballade rock saupoudrée de saturation, si populaire dans les années 1980 ? Et comment la renouveler, lui redonner ses lettres de noblesse sans tomber dans la mièvrerie ? A.D.4 y est parvenu grâce à « There & Back Again ». Le titre est une merveille mélodique où la mélancolie se heurte à la solitude et à l’incompréhension, aux mouvements du temps percutés aussi bien par la nostalgie que par la nécessité d’aller de l’avant. « There & Back Again » revêt les costumes de scène de glorieux aînés, mais n’omet pas de définir ses propres intentions, au fil de solos et de vocaux captivants et magnifiquement écrits. Un potentiel énorme, qu’il nous tarde de voir progresser au fil des créations.


[Clip] Bleu Spiruline – Le soleil vert

« Le soleil vert » part d’un décor. Celui d’une plage chilienne où l’artiste se projette et convoque ses pensées, ses sensations, ses introspections. Sans ce climat d’une beauté saisissante et admirablement retranscrite dans le verbe et la musique de Bleu Spiruline, l’impact se montrerait nettement moindre. Source de toutes les réflexions et de portraits et tableaux nous positionnant à la place des artistes fascinés par la scène qu’ils observent, la chanson appelle le folk et la pop vers une dimension dont l’humanité ne peut que nous toucher. La focalisation se réduit peu à peu, des merveilles célestes aux impressions intimes. Posant les racines d’une œuvre prémonitoire, Bleu Spiruline croise les amours, les solitudes et les prises de conscience avec une formidable acuité et sensibilité. « Le soleil vert » est un baume au cœur, le commencement d’un périple sacré qu’il nous tarde de visiter, pas à pas.


[Single] F&A – Juste là

Recentrer l’histoire d’une vie, là où elle vient de se poser. Revoir le passé, les moments forts, les rencontres, les liens familiaux. Réécrire ce qui été traversé, même quelques secondes, entre espoir et réalité. « Juste là » place F&A au milieu du mouvement, des choix et de leurs conséquences. Du désir à ses conclusions, qu’elles soient heureuses ou malheureuses, la chanson ne sombre jamais dans la tristesse ou le regret. Agissant comme un moteur artistique puisant ses énergies au fil des pensées, « Juste là » se satisfait de deux mots afin de regarder l’avenir. Le dialogue masculin-féminin, ces deux points de vue différents mais en quête d’une évidente et intense complémentarité, amplifie les anecdotes et la narration. Un bain de jouvence où les vagues de l’enfance caressent les espérances de l’adulte, les nourrissent et les bercent.


[LP] Thexele – Music from the Soul

De mélodies douces et satinées en arrangements électroniques discrets, Music from the Soul est une œuvre où la beauté est immédiate et communicative. Thexele y explore les espaces propices à son imaginaire, à sa vision de lieux et de pensées paisibles. La caresse du vent sur nos visages, la beauté de l’être aimé face à nous ; ces éléments que nous nous refusons de plus en plus, que nous considérons même comme des faiblesses, sont l’essence des créations de la compositrice. Music from the Soul aime, éperdument. Et nous transmet cette affection au point de bouleverser nos idéaux mis de côté et de relancer les mécanismes de notre tendresse. Avec simplicité et confidence, Thexele nous offre ses sentiments, nous les confie sans craindre nos réactions. Et nous touche en plein cœur.


[Clip] Charlilou Loverdose Duo – Dans ce Monde

Quel bonheur de pouvoir savourer une chanson posant de véritables enjeux humains au centre du monde dans lequel nous vivons ! D’abord doux et délicat, notamment par sa rythmique et ses arrangements reggae, « Dans ce Monde » devient rapidement incisif et clairvoyant. Tout ce qui tient du paraître, de ce qu’il convient de suivre et de faire pour exister aux yeux des autres, virtuellement et réellement, est évoqué dans une cohérence de tous les instants. Mais le titre indispensable de Charlilou Loverdose Duo n’est cependant pas un cri de révolte ; son effet est beaucoup plus pernicieux et vital. Car l’expressivité des deux musiciens impose ses impressions et ses constats de manière naturelle et réfléchie, sans que quiconque ne puisse les contredire. Si, vous aussi, vous en avez assez des modes d’emploi existentiels par écrans et influences interposés, ne cherchez pas plus loin : « Dans ce Monde » décrit à la perfection les déviances et motive à les reconsidérer telles qu’elles sont. Futiles, éphémères et tellement éloignées de nos besoins comme de nos envies.


[Clip] Gintsugi – Mon cœur

Au commencement, « Mon cœur » nous évoque « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud et « La métamorphose » de Franz Kafka. Face caméra, la transformation de Gintsugi se pare d’une saisissante étrangeté, d’un spectacle intime de la modification des traits et de la voix. L’urgence motivée par le désespoir, l’alerte retentissante d’un besoin viscéral et vital de modifier ce qui est afin de projeter ce qui demeure en devenir, explose au fil des arrangements de cette chanson chavirante, violente et cruelle. Mais il en émane, plus que tout, une beauté évanescente, une révélation qu’il n’est possible de distinguer que dans ses plus subtiles mutations. Conte onirique de la transition, d’une liberté enfin acquise contre les diktats d’un totalitarisme culturel et social qui, si nous n’y prenons pas garde, risque bel et bien de devenir notre mode de vie, « Mon cœur » unit créateur et créature afin d’enfanter l’être asexué que ces deux entités considèrent comme seul et unique salut. Une expérience sensorielle marquante et poignante, dont l’émotion brute chahute nos sensations et idéaux à chaque nouvelle écoute et vision.


[Single] Post Moleski – À tire d’ailes

Le rock à travers ses visions révolutionnaires et intelligentes. Post Moleski ne se contente jamais de jouer, d’écrire et de composer des chansons répétitives ou ressassées. L’inverse se comprend aisément, notamment à travers ce « À tire d’ailes » dont la narration devient urgence, dont les images et les transmissions neuronales demeurent constamment imparables. Langage universel de l’enfermement et de l’interdiction, le titre développe implacablement ses arguments, les illustre et les parfait au fur et à mesure d’une impressionnante montée instrumentale. S’il devait exister une poésie de l’ordinaire et de sa cruelle et violene prise de conscience, Post Moleski en deviendrait immédiatement le porte-parole, la figure de proue d’une lecture efficiente et volcanique de quotidiens introvertis et pervertis. Mais qui ne demandent qu’à éclore et à s’avouer eux-mêmes, dans leur présence la plus immense.


[Single] TMX – Kiss Of Life

Un baiser de vie protéiforme et provoquant de nombreuses réactions sensorielles chez l’auditeur. Sous ses aspects électro-pop mâtiné de fulgurances rock, « Kiss Of Life » fait naître en nous de multiples impressions, du désir à la sensualité, de la séduction à la violence des sentiments. TMX accomplit l’exploit de synthétiser le feeling et l’intelligence instrumentale, au gré d’une piste n’essayant jamais de dépasser ses ambitions mais, au contraire, de se focaliser corps et âme sur elles. Le résultat est enivrant, motivant et électrique, n’achevant jamais de nous transporter autant sur un dancefloor interstellaire que dans l’intimité d’une chambre, la nuit, alors que tout peut arriver et que nos sensibilités ne feront que flancher, pour le plaisir des peaux et des esprits.