[News #1] CHAOS HEIDI, 19 Rue de l’étoile, Danube, Jan Ghazi, Dudes Of Groove Society et Borja Flames

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By Raphaël DUPREZ

[Clip] CHAOS HEIDI – En Panne

En trois minutes, CHAOS HEIDI pose le dilemme de la dépendance à la technologie et à ses travers, de l’épuisement que ces derniers provoquent en nous, des prisons dans lesquelles ils nous enferment lentement et inexorablement. Le trait lui-même, dessin animé porté par des secondes de désincarnation et des envolées colorées emplies d’un fol espoir, guide l’artiste vers de possibles issues, fatales ou libératrices. La course viendra d’un instant, de quelques secondes laissant germer une inspiration revigorée, une sensibilité et une personnalité redevenues fidèles et créatrices. S’enfuir du tumulte. Écraser du pied les objets de la déraison. « En Panne » pourrait être un effrayant appel à l’aide ; c’est, au contraire, un écho magnifique de ce qui peut et doit exister, un bras d’honneur à la procrastination et la soumission.


[Clip] 19 Rue de l’étoile – ATMOSPHERE

Le lieu se veut fédérateur, sans a priori, sans tenue correcte exigée, sans idées reçues. Un accueil, un repère, un refuge pour les égarés, les festifs, les noctambules. Profession de foi d’un projet audacieux et inédit, « ATMOSPHERE » n’accorde aucune importance à l’apparence, au jugement. Le plaisir est total, libre, exalté. Du karaoké à la danse, d’images extraites de téléphones portables à une mise en scène soignée et colorée, 19 Rue de l’étoile s’empare de son décor et matérialise les pulsions, les désirs, l’inventivité. Une audace humoristique et contagieuse, tandis que nous plongeons à corps perdu dans cette fête éternelle et emplie de mille et une surprises. « ATMOSPHERE » est une planète hors du commun, un macrocosme dont les vagues de chaleur et de régénération deviennent rapidement indispensables.


[Clip] Danube – Vertige d’Azur

« Vertige d’Azur » est un hymne aux fantômes, réels ou psychiques. Une vision à la fois intime et émouvante de la disparition des sentiments et de l’annihilation de l’âme face à la solitude. On la veut, on la désire, on l’appelle à l’aide ; mais, par-delà un soulagement temporaire, elle nous est inutile, voire dangereuse. La réalisation léchée et caressante, de même que les jeux de lumières précis et intimement liés aux caractères, imprègnent chaque mot, chaque arrangement de ce titre incitant autant à la danse qu’à la réflexion. Les sensations se bousculent, l’admiration affronte violemment la mélancolie, les regards, gestes et lumières sont palpables en nous-mêmes. Danube est parvenu à concevoir une merveille de sensitivité, un spectacle du reflet, du paraître et de l’être d’une rare beauté. Incluant le public au cœur de l’action, « Vertige d’Azur » transforme le bleu de l’âme et d’inatteignables cieux en un huis-clos sensuel face auquel il est difficile de retenir nos larmes.


[Clip] Jan Ghazi – A Rose

Le collage architectural du clip de Jan Ghazi est un formidable paradoxe avec les paroles que nous entendons germer face aux lignes, aux plans précis et consciencieux, aux reliefs de bâtiments qui, privés de musique, n’auraient aucune âme. Chœur de la cité et des êtres anonymes qui s’y cachent involontairement, « A Rose » bouscule l’immobilité des briques, du béton et des vitres, insuffle une énergie folle dans la vacuité quotidienne de ces lieux mille fois traversés sans que personne ne s’interroge sur leur fonction ou leur raison d’être. Nuit et jour se confondent, découpent les figures et estompent intelligemment la passivité d’une ville qui, malgré les hauteurs de ses constructions, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Là, tout à coup, la beauté s’impose, nous offre un regard neuf et admiratif devant le spectacle de la modernité. En trois minutes douces et fortes, Jan Ghazi poétise admirablement l’inerte et se joue des apparences et des habitudes de l’humain enfermé dans sa routine, l’obligeant à véritablement lever les yeux, se poser et rêver devant ces multiples et magnifiques géométries.


[Clip] Dudes Of Groove Society – Play the Music Loud

La nostalgie émanant de « Play the Music Loud » contient en elle seule la recette parfaite d’un pur moment de grâce funk et décalé. En ajoutant un grain de pellicule usée à ses plans et images d’un autre temps, Dudes Of Groove Society nous ramène aux grandes heures de la formation des groupes façon do-it-yourself, quand les garages faisaient office de salles de répétition et que tout se jouait à l’économie de moyens. La passion, la vraie, demeurait intacte. Le lien d’interprétation, également : s’écouter, s’approprier le rythme et la performance de ses compatriotes pour déclencher l’osmose et, plus tard, l’admiration de celles et ceux qui seront conviés à les découvrir. La compo, impeccable et d’une puissante richesse mélodique, amplifie le décalage temporel et figuratif d’un court-métrage où l’humour et l’amour d’un art mille fois usé et abusé retrouve einfin de sa superbe. Reste à conquérir l’horizon, ce qui ne devrait pas être un problème au vu de ce formidable moment de pur bonheur contagieux.


[Clip] Borja Flames – Marioneta

Une force extérieure semble empêcher la danseuse que nous contemplons de déclencher sa chorégraphie, son expression corporelle que l’on sait d’ores et déjà unique. Sur le rythme aguicheur et tendre de Borja Flames, l’action se fait désirer, l’envie de voir le vide s’emplir est insupportable, intolérable. Cependant, pour mieux s’ancrer au cœur du spectacle, la patience est toujours de mise. Notre marionnette demeure passive mais sait qu’elle tranchera les fils la maintenant prisonnière. Chaque plan devient alors la planche d’un visual novel décomposant le travail minutieux de l’artiste, ses gestes et les formes qu’elle dessine de tous ses membres. Jusqu’à atteindre une fluidité inattendue dans la multiplicité cinématographique et la montée en puissance harmonique de « Marioneta », tandis que l’accélération de l’action dépasse le pur et simple cadre de la performance scénique. L’espace s’emplit d’une présence à laquelle on ne croyait plus, alliant les sons et les pictogrammes en une union dont les éléments sont impossibles à dissocier. Enfin, l’enfer n’est plus la répétition ; et Borja Flames de nous prouver, en toute simplicité, l’exact opposé de cette désuète affirmation.

Nuevo Medievo de Borja Flames, disponible depuis le 6 mai 2022 (Les Disques du Festival Permanent / Murailles Music / Big Wax)